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27 novembre 2015 5 27 /11 /novembre /2015 10:18

~~LES AGENTS DE PÔLE EMPLOI RACONTENT. Ils sont en première ligne face aux demandeurs d’emploi, et minés par le sentiment de ne plus pouvoir faire leur travail. Faute de moyens et confrontés à des réorganisations et des consignes dont ils voient mal la pertinence. À moins qu’il ne s’agisse de dégonfler les statistiques et de rogner sur les indemnisations des chômeurs. La baisse des chiffres du chômage? Sophie (*), agent de Pôle emploi à Bordeaux depuis 2012, dit ne pas la ressentir dans son travail! « Notre équipe croule sous les dossiers », confie-t-elle, pointant le mal-être qui gagne, du fait notamment de la numérisation croissante des démarches. « Les publics les plus en difficulté n’ont souvent pas d’accès à Internet et ils vont être renvoyés vers le site Web alors que ce sont eux qui ont le plus besoin d’accompagnement, explique-t-elle. Les agents ont moins de justificatifs à de- mander, et plus forcément les originaux. Pour les agents et pour les demandeurs d’emploi aguerris au maniement d’Internet, la dématérialisation peut certes avoir du bon. Mais elle entraîne aussi plus d’erreurs, et demande une autre forme de vigilance. De plus en plus de tâches sont externalisées chez des prestataires. Pour la saisie, pour scanner les documents, pour l’archivage. En théorie, c’est pour gagner du temps et faire des économies. Mais, pour l’instant, les agents ressentent une forme de taylorisation de leur métier et une mise en concurrence avec ces prestataires. » Dubitative sur l’amélioration statistique annoncée récemment, Sophie pointe la précarisation qui permet de dégonfler la seule statistique largement commentée, soit les demandeurs d’emploi n’ayant exercé aucune activité dans le mois. Agent de Pôle emploi à Cenon (Gironde) depuis 4 ans, Mathilde (*) ne dit pas autre chose, soulignant les limites et les effets pervers des contrats aidés: « Ils changent de nom tous les deux ans, mais ne sont pas plus efficaces avec le temps. » Ces CDD largement subventionnés par l’État et payés autour du SMIC, sont censés être destinés aux moins diplômés. « Dans les faits, s’indigne Mathilde, beaucoup d’employeurs réclament des profils bac + 2 ou 3, tout en les payant le minimum légal. Et peu d’entre eux, notamment du public, emploient ensuite les personnes en contrats aidés en CDI. » DÉMUNIS FACE À LA MISÈRE. « Les moyens ne sont pas au rendez- vous », regrette Florence (*), conseillère Pôle emploi à Rouen depuis 2001. « Depuis 15 ans, les choses se dégradent : moins de places en formation, moins d’emplois peu qualifiés, moins de moyens pour les permis de conduire, un impératif en province. » « Il n’est pas rare de voir 150 candidatures pour une offre de contrat aidé. » JOUER SUR LES OUBLIS. Pour Sophie, le comble de l’affaire, c’est sans doute l’idée d’embaucher des jeunes en service civique à « l’emploi store », à Pôle emploi, des agents dubitatifs face au « miracle » de la baisse la plate-forme d’aide à la recherche d’emploi par le numérique, accessible notamment via les ordinateurs en accès libre présents dans les agences. « C’est mettre des personnes sans expérience en première ligne, là où, au contraire, il faut avoir l’habitude des situations délicates », précise-t’elle. « Ces jeunes n’auront qu’une mini-formation interne. De plus ces contrats sont prévus pour des postes qui ne peuvent être satisfaits par des contrats de travail classiques, ce qui n’est pas le cas ici. Au bout du compte, ce sera un moyen de faire baisser le chômage des jeunes par des postes très précaires (8 mois) et sous-payés (560 euros/ mois). » Fin septembre a démarré la généralisation du contrôle renforcé des chômeurs, déjà expérimenté dans trois régions (PACA, Franche- Comté. Poitou- Charentes) et qui doit être effectif sur l’ensemble du territoire d’ici mi-novembre. Objectif : contrôler 180000 chômeurs par an. 200 agents sont censés être redéployés vers cette tâche, sur la base du volontariat. « Mais personne ne souhaite fliquer les gens, ce n’est pas pour cela que nous avons choisi ce métier! » s’insurge Florence. Le contrôle se fait par entretiens téléphoniques, il s’agit de tester la motivation du demandeur, cela reste donc très subjectif. Mais les radiations pour « manque d’actes positifs de recherche d’emploi » ne représentent jusqu’ici que 2 % des radiations to- tales. Pour l’essentiel, elles sont dues à une absence à un entretien. Or, comme tout se passe de plus en plus par l’espace emploi du Web, beaucoup de demandeurs oublient de le consulter et risquent la radiation. Jouer sur les oublis et les méconnaissances semble d’ailleurs devenu une vraie stratégie pour dégonfler les chiffres et faire des économies sur les indemnisations. Depuis le 1er octobre, explique Florence, « la consigne est de liquider les dossiers en l’état. Si un demandeur présente ses 4 dernières fiches de paie, alors qu’il a en fait travaillé 18 mois sur deux ans, on ne l’informera pas forcément de ses droits, et il ne sera indemnisé que pour 4 mois ». AMBIANCE ANXIOGÈNE Tout est si compliqué! Il est fortement recommandé aux agents de ne pas faire de zèle à propos de certaines informations. En matière de droit d’option par exemple, comme le rapporte Sophie, « ce droit permet, sous certaines conditions, d’accéder à une nouvelle ouverture de droits, telle qu’elle aurait été calculée en l’absence de reliquat de droits. La reprise systématique des droits non utilisés avant le rechargement des nouveaux droits n’est en effet pas toujours un avantage pour les demandeurs d’emploi. C’est le cas lorsqu’ils ont exercé pendant longtemps une activité beaucoup mieux rémunérée que la précédente. S’ils ne font pas jouer leur droit d’option, c’est la première allocation qui leur est versée jusqu’à son épuisement, inférieure à celle dont ils bénéficieraient en faisant jouer leurs nouveaux droits ». « L’ambiance est anxiogène ». conclut Florence. « et elle déteint sur les demandeurs d’emploi ». (*) Les prénoms ont été changés

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